Des humains en prison – Sept 2017


Le service pénitentiaire d’insertion et de probation des Deux-Sèvres (SPIP 79) a fait appel à nos comédiens pour un après-midi riche en émotions sur la difficile question de la parentalité avec des papas incarcérés.

Comment (ré)instaurer le dialogue avec sa fille, son fils? Comment mieux le protéger, le prévenir des différents risques liés à la violence des écrans (jeux vidéo, cyber-harcèlement et dérives sectaires sur les réseaux sociaux, pornographie…), aux addictions? Voilà les questionnements que nous sommes venus partager à la demande de Lydie Griffault, coordinatrice culturelle du SPIP 79 et accompagnée par Corinne, conseillère d’insertion et de probation.

Mais laissons Marie Abela, notre comédienne (et maman de deux enfants), mettre des mots sur ces maux de papa:

« Salle sonore, au mur sont dessinés deux poings qui se libèrent de leur chaine et il est inscrit cette phrase :« C’est notre lumière, pas notre part d’ombre, qui nous effraie le plus. Nelson Mandela »

Ils étaient huit, presque tous pères. On ne sait pas pourquoi ils sont là. Il y a d’abord les poignées de main, entre eux, puis avec nous, pas tous… Puis il y a la gêne, lorsqu’ils prennent place en face de nous.

Ces moments sont des respirations pour eux, ils ont donc du plaisir à être là, mêlé à de l’inquiétude… je ne porte aucun jugement sur ces hommes, ces humains.

Et puis il y a eu cet homme qui a pris la parole après une scène où une adolescente fragile fait une erreur de jugement. Il appuie sur la différence entre fille et garçon, entre femmes et hommes, « les hommes doivent être solides pour protéger la famille, la femme, elle, est fragile elle doit être protégée, tu vois ce que je veux dire ? »  jusqu’à cette pensée verbalisée, terrible et encore si présente à tant d’esprits, en cas de viol « c’est qu’elle l’a bien cherché… »

Il y a tout un débat, ça s’échauffe…

Nous l’avons remué dans ses principes, dans ses certitudes… et c’est insupportable pour lui, c’est trop, il finira par demander à sortir… C’est dommage car il ne verra pas les résolutions des scènes par ses comparses. Sa présence à elle seule était violence pour moi… et pourtant, je voyais devant moi une énorme blessure.

A l’opposé, il y a cet homme qui a remplacé Willy (mon collègue comédien) pour jouer le rôle du père dans la scène de la jeune fille qui a arrêté ses études et traine à la maison. Douceur, conviction, aveu de ses propres faiblesses, amour paternel… en quelques minutes mon personnage s’est transformé…

Je suis sortie chargée d’émotions, tellement touchée par ces hommes blessés. Les voir repartir chacun à leur solitude, à leur enfermement, à leurs questionnements, à leur culpabilité fut un souffle de profonde tristesse.

Ces hommes qui nous ont lâchés des bouts de leur vie de père, mais aussi de leur enfance meurtrie. Comment font-ils?

 Ils sont comme tout le monde, ils font comme ils peuvent pour tenir debout. »

Marie Abela et Didier Nourrisson